lundi 17 novembre 2014

174

la vie déforme
la plasticité désigne la capacité de recevoir comme de donner la forme
et l'explosion (plasticage), de toute forme

c'est un concept difficile à saisir, explosif en effet, qui désigne la vie des formes et des résistances à la déformation
la flexibilité est au coeur de la littérature du management qui confond flexible et plastique
les deux termes viennent de la physique des matériaux
un matériau flexible est un matériau qui peut être plié dans tous les sens sans résistance
alors que plastique se dit d'un matériau qui se laisse former mais ne retrouve jamais sa forme initiale
on peut plier mais il y a toujours une résistance à la déformation
la forme résiste à son effacement
cette idée est très importante politiquement
être souple, modulable, adaptable, d'accord
mais pas exploitable sans limite
il y a des seuils de résistance.
(Catherine Malabou, Pour la rencontre entre philosophie et neuroscience, site lesInROCKS, 20/10/2014, 17HO5)

désordre des mots
il importe de produire des lectures qui ne soient plus ni traditionnelles ni déconstructrices
Plastiques serait donc précisément leur nom ou leur qualité

mais pour comprendre le sens de ce mot, nécessairement métamorphosé, il faut poursuivre le geste hégélien et accomplir jusqu'au bout l'entreprise de délocalisation du concept de plasticité hors du champ esthétique

il importe de rompre avec l'idée que le domaine primordial de signification et d'expérience de ce concept est le champ esthétique ou artistique

plus exactement de rompre avec une certaine compréhension du champ esthétique ou artistique lui-même.
(Catherine Malabou, La Plasticité au soir de l'écriture, Dialectique, destruction, déconstruction, ch12 - d'une nouvelle méthode de lecture, Léo Scheer, 2005)





aller et retour de la culpabilité
le rapport à la forme est à la fois un rapport au formel (comme idéalité) et au figural (comme corporéité)
mais dans le premier cas, le formel ne se confond pas avec le suprasensible, pas plus que le figural ne se confond, dans le second cas, avec la figure
la forme - formalité et figuralité - n'ouvre donc pas cet espace idéologiquement douteux de l'onto-typologie telle que la définit Lacoue-Labarthe, cette fonction esthético-poïétique de présentation de l'être, d'incarnation d'un type de Dasein exemplaire ou de fabrication de la communauté politique sur le modèle de l'oeuvre
la plasticité est la condition d'existence de la signification en ce qu'elle lui confère sa visibilité, laquelle ne se confond pas avec la présence
il existe ainsi, selon la belle expression de Lyotard dans Discours, Figure, "un oeil au bord du discours."
l'art a partie liée avec la profondeur du langage, avec sa fonction référentielle
"la figure artistique, dit encore Lyotard, est une déformation qui impose à la disposition des unités linguistiques une autre forme."
cette autre forme est une pure énergie "qui plie, qui froisse le texte et en fait une oeuvre, une différence"
cette énergie, qui se décline à l'infini dans la peinture, la fiction, la musique ou la poésie, n'est-elle pas précisément la forme de l'écriture ?
(Catherine Malabou, La Plasticité au soir de l'écriture, Dialectique, destruction, déconstruction, ch12 - d'une nouvelle méthode de lecture, Léo Scheer, 2005)


demander l'impossible
soyons réaliste, n'excluons jamais rien.