système libéral
Albert Hirschman cite (Les Passions et les intérêts, Seuil 1984) ce mot de Keynes qui résume tout : faire fortune "canalise certains penchants dangereux de la nature humaine dans une voie où ils ont relativement inoffensifs" ; il faut donc éviter les grandes ambitions politiques, "il vaut mieux que l'homme exerce son despotisme sur son compte en banque que sur ses concitoyens". Mot d'une singulière justesse à notre époque. Enfin on a trouvé la voie de l'innocence et de la sagesse dans la liberté. Mais par là le système libéral justement semble s'être défini contre la liberté fondamentale, celle de l'affectivité. L'activité lucrative et l'amour du gain ont été réhabilités et exaltés par les Lumières à partir d'une volonté d'éteindre, d'exténuer les passions parce qu'elles sont jugées dangereuses, démesurées, inconstantes, violentes, absolues au fond, et donc incapables de compromis, de régulation, de relativisme.
(Michel Crouzet, Stendhal et le désenchantement du monde, Classiques Garnier, 2011)