vendredi 30 septembre 2016
808
loisir
loisir
le loisir, ou la seule activité qui ait sa fin en elle-même, est la condition de l'activité; on disait de Caton qu'il "n'était jamais aussi actif que lorsqu'il ne faisait rien."
Le loisir ne consiste pas en ne rien faire, mais à faire autrement, il rend toutes les activités possibles, car il les préserve de s'attribuer à elles-mêmes des finalités (elles auraient en effet un but autre qu'elles-mêmes), ou des obligations (elles seraient des moyens). Rien ne conditionne le loisir et il est la condition de l'activité véritable.
Ou la civilisation repose sur cette base fondamentale, cette basse continue, faudrait-il dire, qui est le loisir, ou elle est d'abord et surtout negotium, soit négation de l'existence véritable et de l'être de l'homme. Le loisir en ce sens est la fin de la vie, il n'est relatif à rien, il suffit à remplir la vie, loin d'être un stage dans le repos ou le divertissement, il ne trouve nulle part de mesure ou de limite, c'est lui qui est premier et dernier, et toute activité humaine ne doit être évaluée qu'en fonction de lui, en lui la vie est rendue à elle-même et peut s'identifier à la liberté et au bonheur.
romantisme
le Romantisme, qui avec Stendhal se proclame, contre la modernité américaine, le parti du loisir, serait alors le vrai parti de l'humanisme qui respecte l'être de l'homme; tant il est vrai, comme le dit le latin, que le negotium, les affaires, le commerce, n'est que la négation de l'otium.
jeudi 29 septembre 2016
mercredi 21 septembre 2016
805
Amérique
Amérique
en Amérique dit Stendhal, "toute l'attention semble employée aux arrangements raisonnables de la vie, et à prévenir tous les inconvénients". Ce gigantesque travail de mise à la disposition de l'homme de toute la réalité ne sert à rien, car le moyen a dévoré la fin : "arrivés enfin au moment de recueillir le fruit de tant de soins, et d'un si long esprit d'ordre, il ne se trouve plus de vie de reste pour jouir". Dans ce grand rangement du monde et de l'homme on a perdu le désir, l'ordonnancement rationnel du monde en vue de rendre l'homme heureux l'a privé de l'Eros, inconnu en Amérique; en fait c'est l'homme qui, utilisateur, a été utilisé. On a traité la vie comme un moyen, on a voulu ranger la vie, mais elle est peut-être par essence un dérangement : ainsi l'amour-passion est la première victime de la grande mise au pas de la modernité.
(Michel Crouzet, Stendhal et le désenchantement du monde)
804
logique anglaise
logique anglaise
la logique anglaise agit comme un programme, un logiciel de l'homme, qui peut être programmé sans en être conscient, elle est une mise en valeur du sujet (l'utile ne peut être rapporté qu'à l'individu et il ne connaît pas d'autre devoir que de tout rapporter à lui-même), mais aussi elle implique une déchirure en lui : il se réduit à cette relation instrumentale qui agit comme un conditionnement sélectif, et impose une conformité intérieure, une intériorisation du processus logique : elle est liée à un moralisme hypertrophié, qui assure la perte de l'affectivité vivante et spontanée. La logique anglaise confère une miraculeuse capacité économique, mais ferme le sujet à toute autre sollicitation, le réduit à une fonctionnalité parfaite : lui-même va se rendre aussi prévisible que ses actions.
(Michel Crouzet, Stendhal et le désenchantement du monde)
(Michel Crouzet, Stendhal et le désenchantement du monde)
mardi 13 septembre 2016
803
système libéral
système libéral
Albert Hirschman cite (Les Passions et les intérêts, Seuil 1984) ce mot de Keynes qui résume tout : faire fortune "canalise certains penchants dangereux de la nature humaine dans une voie où ils ont relativement inoffensifs" ; il faut donc éviter les grandes ambitions politiques, "il vaut mieux que l'homme exerce son despotisme sur son compte en banque que sur ses concitoyens". Mot d'une singulière justesse à notre époque. Enfin on a trouvé la voie de l'innocence et de la sagesse dans la liberté. Mais par là le système libéral justement semble s'être défini contre la liberté fondamentale, celle de l'affectivité. L'activité lucrative et l'amour du gain ont été réhabilités et exaltés par les Lumières à partir d'une volonté d'éteindre, d'exténuer les passions parce qu'elles sont jugées dangereuses, démesurées, inconstantes, violentes, absolues au fond, et donc incapables de compromis, de régulation, de relativisme.
(Michel Crouzet, Stendhal et le désenchantement du monde, Classiques Garnier, 2011)
vendredi 9 septembre 2016
798
à venir
(Félix Guattari, Lignes de fuite - pour un autre monde des possibles, 1979)
à venir
la révolution à venir ne s'inscrira pas dans les moules du passé, elle ne sera pas synonyme d'un "retour en arrière" ou d'un gel de la situation actuelle, comme celui qui est envisagé par la nouvelle mythologie technocratique qui s'est centré sur le thème du retour à une "croissance zéro" ! Nous pensons au contraire qu'elle sera tout à fait compatible avec un essor tumultueux des sciences, des forces productives, des créations artistiques, des expérimentations de toutes sortes, en rupture radicale, faut-il le souligner, avec les formes qu'elles avaient hier !
artifice
Monde, répète-t-on de tous côtés, de plus en plus artificiel, de plus en plus aliénant ! Mais les deux choses ne vont pas nécessairement de pair. L'artifice et la déterritorialisation sont peut-être aujourd'hui les deux valeurs les plus sûres d'un désir libérateur !
disposition
... trous noirs collectifs captant les énergies de désir dans un processus infernal de déterritorialisation, déclenchant un désir fou d'extermination de tout ce qui échappe à la norme commune et conduisant même à une volonté d'auto-abolition, pour en finir une fois pour toutes avec le désir, dans le paroxysme ultime d'une explosion de désir. Mais ces trous noirs absolus du fascisme ne se sont pas évanouis avec la victoire des "Alliés". Ils ont changé de forme, de taille, de disposition.
(Félix Guattari, Lignes de fuite - pour un autre monde des possibles, 1979)
mercredi 7 septembre 2016
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