Canton, juillet 2014 |
la république, la canaillerie, le débraillé
- Que doivent être nos dirigeants? C'est-à-dire, que doivent devenir, aussi rapidement que possible tous les habitants de notre pays ? Voici la définition que je propose : ils doivent être les ouvriers de la liberté du pays.
- Et dans ce travail ouvrier de la pensée active, il n'est en général pas question d'imiter quoi que ce soit. Il faut enquêter, créer, décider. La politique vraie exclut toute représentation, elle est présentation pure. Si, donc, des éléments imitatifs sont requis, ce ne peut être qu'à partir d'exemples venus de l'enfance, et qui appuient les vertus qu'exigent l'enquête auprès des gens, la création d'une orientation et la décision de sa mise en oeuvre. Nous les connaissons, ces vertus : le courage, la sobriété, la concentration de la pensée, le désintéressement de l'esprit libre... Se complaire dans l'imitation -même ironique- de la canaillerie expose au risque que l'imitateur soit à la longue corrompu par le réel dont s'inspire les images qu'il prodigue. Certes il faut connaître la folie des hommes, et qu'ils ont la capacité d'être abjects ou féroces. Mais il n'est pas requis pour cela de représenter, d'imiter, encore moins de faire tout ce que cette folie des hommes peut dicter aux esprits déroutés de nos contemporains.
- Votre refus -provisoire ?- de tout langage purement mimétique, au moins dans le champ de la politique, me semble indiquer que, s'agissant des futurs dirigeants de notre pays, des formes bien définies s'imposeront à ce qu'ils veulent exprimer ou raconter. Et ce sera bien différent de cet espèce de débraillé "démocratique" que nous voyons aujourd'hui.
- C'est exact, mon cher Glauque (...)
(Alain Badiou, La République de Platon - ch 4, disciplines de l'esprit : littérature et musique, 2012, Pluriel, p 157)