musique
La musique suit l'Histoire. S'il y en a un qui a préfiguré, fait chanter, fait "musiquer" l'épouvante qui venait, c'est bien Schoenberg. Le thème affirmatif final de la Kammersymphonie, op 9, presque beethovénien, est une sorte de raidissement devant ce qu'il pressent. C'était avant 1914. J'avais 11 ans à la mort de celui qui a voulu la fin de la tonalité, il savait que, quand on touche à quelque chose, même de manière infime, on touche le tout et tout doit alors changer. Schoenberg a voulu autre chose que le beau, il a voulu ce qui hante tout artiste : le nouveau.
Je pense très souvent aux musiciens d'aujourd'hui ; j'écoute leur musique tant que je peux. On se prépare à un âge artistique très inconfortable. L'art peut disparaître dans la multiplication des supports technologiques, l'abolition de la distance, donc du temps.
L'art est né dans la peur, donc dans la prière, qui n'est pas une allégeance à Dieu mais un retour d'émotion sur l'être qu'on est, pour se rassurer soi-même, et collectivement si possible.
(Pierre Guyotat, Le Monde, mercredi 11 juin 2014)