musique
Hier, en quittant l'Hôtel du Châtelet, j'allai à La Molinara (La Meunière, opéra de Paesiello (1788)), qui est décidément une pauvre musique; des sons agréables, mais qui ne peignent rien; deux ou trois fois, on croit que Paesiello va peindre, il tombe tout de suite dans ce que les grincheux appellent le gracieux...
L'exécution a soutenu à grand peine mon attention jusqu'au bout. J'étais cependant parfaitement disposé pour la musique, sans aucune cause de chagrin; une douce mélancolie, fondée sur les conditions générale de la vie, s'emparait de moi. Je me sentais liquéfié par une douce pitié qui s'étendait même sur les gens pour lesquels je ne me sens aucune inclination. Paesiello est tellement vide de pathétique que ces bonnes dispositions ont été perdues.
Huit jours auparavant, étant disposé à la force et à l'action, les divines Nozze di Figaro ne m'avait pas touché du tout, m'avait presque ennuyé. (C'est mercredi dernier, je venais de chez M. Gay, que je n'avais pas trouvé.)
Pour avoir de vifs plaisirs par la musique, il faut absolument cette disposition tendre et presque mélancolique.
Je quitte la plume à 5 heures un quart pour aller dîner chez Mme Nard(ot).
...(Stendhal, Journal, 1er janvier 1811)