La fin de l’unité esthétique crée un déferlement de pratiques artistiques hétérogènes et des myriades de formes hétéroclites. Cette prolifération artistique dérégulée s’effectue parallèlement aux déréglementations économiques. Les anciennes hiérarchies artistiques déstabilisées s’effacent en même temps que s’interpénètrent les sphères artistiques, économiques et financières.
Depuis longtemps déjà l’art n’est plus un monde à part, ou une économie à l’envers. Une espèce d’excroissance artistiquement constituée apparait et prolifère comme un fait économique et social total.
Avant garde de l’hyper flexibilité du marché du travail, les artistes et le monde idéal qu’ils incarnaient - créativité, authenticité, motivation, engagement, auto détermination, mobilité - sont devenus le modèle principal du management en entreprise. Ils sont eux-mêmes gérés par les lois générales de l’entreprise et de l’économie de marché, avec ses impératifs de compétition et de rentabilité.
Les artistes qui réussissent sont escortés de chargés d’affaires, d’avocats, de conseillers juridiques et fiscaux et d’une armée d’assistants précarisés. Par leur mise en conformité réussie avec le marché mondial et ses mathématiques financières, ils s’imposent comme créateurs de valeurs et développeurs de marchés.
Les artistes qui réussissent moins bien sont devenus des espèces de communicants ou d’animateurs interchangeables, dont la fonction est d’acclimater le public à un paradigme artistique devenu intérieur aux activités marchandes.
Le même système économique qui reposait sur le calcul rationnel des coûts et des bénéfices prend maintenant appui sur la banalisation de l’identité artiste et l’absence de substance de la pensée esthétique contemporaine. Avec ses artistes, le capitalisme fonctionne en esthétisant à peu près tout en vue de la conquête infinie des marchés. Il est régie par une logique de performance au sens artistique du terme, hors contrôle et captivante. Dés lors, existe t’il aujourd’hui une manière de faire de l’art qui ne soit pas interne aux conditions générales de l’ordre établi ?
