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ignorance
on ne s'apercevait pas de cette ignorance de l'Empereur dans sa conversation ordinaire. D'abord il dirigeait cette conversation et ensuite, avec une adresse toute italienne, jamais une question ou une supposition étourdie ne venait trahir cette ignorance.
On peut donc dire qu'en fait de science du gouvernement, celle qui, par la suite, eût été la plus indispensable à Napoléon, l'éducation de ce grand homme était nulle. En fait de gouvernement, il ne comprenait que celui d'un général qui fait agir ses troupes :
Par enthousiasme pour la patrie,
Par point d'honneur,
Par crainte de châtiment,
Par amour-propre ou intérêt de vanité,
Par intérêt d'argent.
On voit que, parmi ces motifs d'action, aucun n'a sa source dans les habitudes de croire ou d'agir de celui qui obéit, ni dans l'opinion qu'il peut avoir de la légitimité des ordres de celui qui commande.
En un mot, Napoléon sut se faire obéir comme un général, mais il ne sut pas commander en roi, et j'attribue l'imperfection de son génie en ce point uniquement à l'absence totale d'éducation première.
Lorsque Napoléon eut besoin d'idées sages sur le gouvernement de la France, il fut obligé de les inventer. Mais, par un premier malheur, il avait une répugnance personnelle pour l'école libérale et, par un second, il eut souvent besoin d'expérience personnelle pour voir les vérités les plus fondamentales et découvertes trente ans avant lui.
(Stendhal, Mémoires sur Napoléon (1836-37))