lundi 5 février 2024

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Pour P.A.G.

En apprenant la disparition de Paul-Armand Gette, j'ai été à la fois saisi de tristesse et de nostalgie et, sans pouvoir m'en empêcher, pas tout à fait convaincu par la nouvelle. Il y a, en quelque sorte, une incompatibilité de son œuvre et de la mort.
Si quelqu'un a bien été vivant, par bien des aspects, et du plus de manières possibles, c'est bien lui, l'homme, l'artiste Gette. En s'approchant de sa personne et de son œuvre, on gagnait, et on gagne toujours, merveille de l'art, une forme d'éternité.

Le Om, la science, les arts, l'érotisme, la fiction, les Nymphes, les blocs, le lointain,
le visuel, les petites culottes, le toucher, les métaphores, la représentation, les lisières, le dessin, la photographie, le sexe féminin, le coloriage, la sédimentologie, le paysage, les modèles, le volcanisme, Aphrodite, les calcinations, la beauté, le plaisir... confondent leurs modes, leurs aspects et leurs proportions et composent d'infinies variations dont le spectateur est aussi l'acteur. Tous les éléments qui précisent (ou qui désorientent) les manifestations de l'artiste indiquent et mettent en perspective « les régions privilégiées où les miroirs se franchissent aussi aisément qu'un rideau de pluie. » Ici, « le temps ne passe pas tout à fait de la même façon ... à condition de ne pas y rester trop longtemps.»
Paul-Armand Gette a indiqué avec précision les accès d'un monde réel tout d'un coup vivable. Il a déchaîné la puissance subjective du goût, dont on connait depuis Kant et Arendt les relations très concrètes avec le domaine politique. En étant absolument lui- même (et rien d'autre), en mobilisant la force que donne l'économie de moyens, il a porté son art à un haut niveau d'efficacité esthétique : celui de l'investigation du possible. Le tout problématique de la Société qui nous limite se déplace et se modifie dans des systèmes de coordonnées dont les abscisses et les ordonnées sont les œuvres des arts. La liberté de l'artiste est extrême. Là où il ne peut pas aller, la liberté doit être aussi grande que possible.
Tout en récusant toute adhésion de formes ou de principes à quelque mouvement d'avant garde que se soit, il a bel et bien partagé, avec Haussmann et Breton, Gysin, Burroughs et Heidsieck, les lettristes et Debord, ce point de vue : voir dans l'art une représentation agissante des potentialités de la société.
Il connaissait la puissance que peuvent avoir, grâce à leur cohésion, de petits groupes et ce en dépit (ou à cause ?) de leur faiblesse matérielle. Après tout, avoir transformé le désir d'un individu en un mouvement général (en 1968) telle était pour les situationnistes leur plus belle réussite. Et on peut bien imaginer que les amis de Paul- Armand, ceux qui l'ont accompagné à tous les niveaux de son entreprise créatrice, saisissent son travail comme une arme de construction massive.
Je me réjouis d'avoir été le contemporain de Paul-Armand Gette. Son œuvre m'accompagne. Son souvenir me donne du courage.

Marc Moret, le 3 février 2024